0

arnaud-ducret-fil-xddljpg

Un homme ordinaire

 

Une mère et ses quatre enfants sont retrouvés assassinés sous la terrasse de leur maison. Seul le père manque. Anna-Rose, une professionnelle du Net et de ses réseaux, cherche à comprendre. Happée par cet homme, et par cette horreur, elle va dangereusement basculer de la toile à la réalité...

lapartdesoupconjpg

La part du soupçon

Alice vit le bonheur ordinaire d’une mère de famille quand tout bascule : l’homme de sa vie, Thomas, le père de son enfant, est soupçonné d’être Antoine Durieux-Jelosse, l’homme qui a défrayé la chronique pour avoir disparu après avoir tué toute sa famille quinze ans auparavant. Depuis tout ce temps, la commandante Sophie Lancelle n’a jamais arrêté de chercher cet homme ayant commis l’impensable et elle est prête à tout pour le retrouver. Entre ces deux femmes que tout oppose, un homme crie son innocence.

0233086jpg

Le Bazar de la charité

 

Paris, 4 Mai 1897. Un incendie dévastateur détruit en quelques minutes le Bazar de la Charité, l’édifice abritant une manifestation caritative très courue, faisant plus de 120 morts, essentiellement des femmes de la haute société et leur personnel. A cette occasion, trois femmes, Adrienne De Lenverpre, Alice De Jeansin, et sa bonne Rose Rivière voient leur destin bouleversé. Usurpation d’identité, amours interdites, changement radical de vie, émancipation, cette mini-série nous plonge dans la société parisienne de la fin du 19e siècle, en suivant le destin romanesque de ses trois héroïnes.

Par Marie Dilou et Roman Duda

Ils crispent lecteurs et auditeurs, et captent les yeux du téléspectateur. En France, le premier fait divers à caractère criminel est difficile à retracer. L’exécution de Louis XVI pour les uns, l’affaire Dominici ou celle de Christian Ranucci pour les autres : reste que le point commun entre ces affaires est l’engouement qu’elles suscitent encore à ce jour. Si la presse papier a toujours relaté les faits divers à travers sa “rubrique des chiens écrasés”, dans une enquête publiée en juin 2013, l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) révèle que les faits divers ont progressivement fait leur place dans les journaux télévisés. Les “atteintes à la personne” - autrement dit les viols, les meurtres, les kidnappings - notamment ont une part de progression de 15% par rapport à 2008. Selon les chiffres de l’INA, les sujets télévisés concernant les faits divers ont bondis, passant de 1 191 en 2003 à 2 062 en 2013, avec un pic record en 2011. Pour cause, cette seule année est criblée d’affaires criminelles toutes plus mystérieuses les unes que les autres.

 

 

Yoni Palmier alias “Le Tueur de l’Essonne”, reconnu coupable de quatre meurtres :  affaire classée.  Agnès Marin, l’adolescente de 13 ans violée et retrouvée morte en Haute-Loire près de son établissement scolaire, le coupable est un camarade de pensionnat  : affaire classée. Xavier Dupont de Ligonnès, ce père de famille soupçonné d’avoir tué sa femme et ses enfants reste porté disparu depuis 2011 : affaire non-résolue. Toutes ces histoires tristement célèbres ont eu droit à leur couverture médiatique. Au total, 2 111 sujets télévisés seront consacrés à des faits divers cette même année. Parmi ceux-là, l’affaire Dupont de Ligonnès a un retentissement bien particulier. En boucle sur les chaînes d’informations en continu, dans la presse, à la radio… Ce fait divers a fait couler beaucoup d’encre autant chez les médias que chez les citoyens, car à l’époque, la France suit en direct l’avancée de cette effroyable tragédie.

648x0-Victimes-DDLjpg

Affaires tristement célèbres

​​​​​​​

  • Tout commence le 21 avril 2011 lorsque Sophie Le Saint ouvre son journal de 13h sur France 2 avec l’annonce d’une “disparition inquiétante à Nantes”. Un reste humain a été découvert au domicile de cette famille sans histoires, qui n’a pas donné signe de vie depuis des semaines. Une coïncidence ou un assassinat ? Le soir même dans l’édition de 20h, c’est sa consoeur Marie Drucker qui revient avec un coup de tonnerre : “épilogue macabre donc pour ce qui était jusque-là une disparition mystérieuse. Trois corps, et même un quatrième juste à l’instant ont été découverts au domicile d’un couple et de ses 4 enfants.” Les corps sont ceux d’Agnès la mère de famille et de ses trois enfants, le corps du quatrième enfant sera découvert peu de temps après. La ville de Nantes est sous le choc.

 

Jour après jour, chaque déclaration du procureur de la République de Nantes Xavier Ronsin est rapportée, chaque témoignage des voisins également. Grâce aux caméras plantées sur les lieux du crime, tout un chacun reconnaît la façade du domicile situé 55 boulevard Robert-Schuman. Une semaine plus tard, le vent a tourné dans l’enquête ainsi que dans les discours des journalistes.

 

  • Le 28 avril 2011, dans le JT de France 2 David Pujadas introduit Xavier Dupont de Ligonnès, le désormais principal suspect, comme “un homme aux multiples visages”.

 

  • Selon les enquêteurs, le père de famille aurait tué les siens dans la nuit du 3 au 4 avril, avant d'assassiner son fils Thomas en dernier, le 5 avril. Xavier Dupont de Ligonnès a lui été aperçu pour la dernière fois le 14 avril à un point de retrait où il retire 30€. Le soir même, il loge dans un hôtel F1 à Roquebrunes-sur-Argens puis se volatilise le lendemain, après avoir quitté l'hôtel, y laissant son véhicule dans le parking. Il disparait alors des radars. La France a trouvé son feuilleton du printemps. 

 

  • Le 19 juin 2011, le magazine TV “66 minutes” diffuse un reportage inédit sur l’affaire. Le public est au rendez-vous : 1,9 million de téléspectateurs

 

 

Cinq ans après les faits, deux journalistes à Nice Matin ont décidé d’écrire Le Mystère Dupont de Ligonnès (L’Archipel, 2016), un ouvrage sur lequel ils se lancent d’abord “par curiosité” selon Béatrice Fonteneau, co-auteure. Mais c’est finalement la fascinante envergure de l’affaire qui va les inspirer : “Nous nous sommes surtout rendus compte que ce quintuple assassinat, au sein d'une famille bourgeoise, en province, suscitait une émotion considérable voir même une sensation d'identification”, confie le deuxième membre du tandem d’auteurs Jean-Michel Laurence. “Décortiquer la personnalité, le jeu de masque de Xavier Dupont de Ligonnès, le scénario digne d'un film de Claude Chabrol m'a intéressé” admet Béatrice Fonteneau. 

 

IMG_2139PNG
Image-de-une-2png

L'affaire Dupont de Ligonnès, l'affaire Daval et celle du petit Grégory. Les faits divers sont si poignants qu’on les juge hors du commun des mortels. Disparitions, rapt d’enfants, homicides, féminicides… Ces histoires parfois non-élucidées fascinent des millions de Français qui les suivent sous tous leurs formats. Mais pourquoi un tel engouement ? Enquête.

L’effet de diversion

 

En France, les émissions consacrées aux affaires criminelles ont connu un boom à l’an 2000. La pionnière ? C’est “Faites entrer l’accusé” présentée par Christophe Hondelatte sur France 2. Suppléant à la presse écrite et aux reportages décousus dans les JT, ce programme propose une narration toute nouvelle des sujets sensibles. Béatrice Fonteneau, chroniqueuse judiciaire de profession, souligne que “la mise-en-scène télévisuelle [de ces programmes] est haletante.” Elle détaille : "on vit au rythme des enquêteurs qui recherchent le ou les auteurs d'un crime. On pénètre dans les coulisses de l'enquête, on est alors dans la confidence : On nous livre les indices, on découvre le vrai visage des protagonistes. On assiste à l'arrestation, au procès. Comme si on y était.” L’émission diffusée en seconde partie de soirée en inspirera d’autres du même genre tels que “Indices” puis “Non élucidé” mais aussi “Enquêtes Criminelles”, “Les Enquêtes Impossibles” de Pierre Bellemare ou encore “Crimes” plus récemment sur NRJ 12.

victime2jpg

En 2010, l’arrivée des podcasts apporte un nouvelle dimension aux faits divers. Les affaires criminelles s’écoutent désormais partout sur smartphones. Ce format ambulant et à la carte détonne. Contrairement à la télévision, c’est l’auditeur qui choisit son programme, à l’heure souhaitée grâce au replay. En 2016, on retrouve l’ancien présentateur de “Faites entrer l’accusé” qui lance “Hondelatte raconte”, un podcast dans lequel il dissèque les grandes affaires judiciaires qui ont marqué la France. Le streaming aussi s’y mêle. Sur les plateformes de streaming comme chez l’américain Netflix, les séries et autres documentaires issus de la catégorie “criminelle” se binge-watch à volonté. 

Flash info de France 2 le soir du 14 juillet 2016 à Nice. Un homme est interviewé, à côté du cadavre de sa femme qui vient d’être fauchée sur la Promenade des Anglais. Le CSA a sanctionné la chaîne qui est contrainte de lire un communiqué dans le journal de 20h. Source : Non-stop zapping.

IMG_2142PNG

"Grégory"

Le 16 octobre 1984, un enfant de 4 ans, Grégory Villemin, est retrouvé mort dans la Vologne, dans l'est de la France. C’est ainsi que commence le plus célèbre fait divers français : des secrets de famille qui tournent à la haine, un engrenage infernal où les errances judiciaires alimentent la rumeur, et où la folie médiatique pousse au meurtre. Depuis 30 ans, cette histoire sans fin obsède et continue de marquer la vie de ceux qui s’en approchent.

Une société perverse ?

 

La multiplication des formats narratifs d’affaires criminelles est-elle critiquable ? Qu’en pensent les familles des protagonistes de ces dossiers ? Murielle Bolle, un des personnages clés de l’affaire Grégory a été harcelée et menacée de mort quelques semaines après la diffusion du documentaire "Grégory" sur Netflix, en 2019, soit 35 ans après l’éclatement de l’affaire. 


 


 

La fascination pour les affaires criminelles serait donc telle que même le 4ème pouvoir en perdrait sa déontologie ? Serions-nous tous égaux face à la passion des faits divers ? Pour ce qui est de l’affaire Dupont de Ligonnès, le mystère reste entier. Et c’est aussi ces zones d’ombres qui magnétisent les Français.

 

Et si ces programmes se multiplient, c’est parce qu’ils font de l’audience. “Faites entrer l’accusé” rassemble en moyenne 1 million de téléspectateurs. Une nouvelle niche est née et elle a trouvé son public. En parallèle de sa profession, Vincent Martin, journaliste à France Info est un initié. Il le dit lui-même : “J’ai le souvenir de soirées mémorables devant Faites entrer l'accusé, un chef d’œuvre du genre.”

 

Mais comment expliquer les fortes audiences de ces émissions dédiées, si bien réalisées ? “Pour la même raison que les livres les plus lus sont les polars.” affirme le journaliste. “Ils ont la même fonction que Halloween : mettre nos peurs à distance et nous rassurer, nous convaincre que nous avons, contrairement aux assassins, des valeurs.” Un effet d’évasion ou de comparaison. Pour les personnes ordinaires, voir d’autres personnes ordinaires basculer dans le morbide permet de s’éloigner de la banalité de son propre quotidien. Comme le sociologue français Pierre Bourdieu l’a une fois formulé : “le fait divers fait diversion”.  Les médias télé et radio diffusés ont amplifié ce phénomène. Chaque reportage nous embarque en immersion dans un récit que l’on pourrait croire presque fictif malgré la dure réalité des affaires.

 

Joseph Eskenazy est psychanalyste et hypnothérapeute de profession. Pour l'expert, “l’engouement pour les faits divers peut révéler un questionnement sur nous-même, une sorte de remise en question. Des personnes qui se croient incapables de faire le mal, pourraient se révéler assassins à une époque, à un contexte particulier etc., et à l’inverse des personnes qui se croient méchants ont en eux-mêmes une partie capable de faire le plus grand bien aux autres.” À l’annonce d’une affaire, le public s’engage émotionnellement dans ces récits extraordinaires. Béatrice Fonteneau ajoute que “ce même public éprouve de l'empathie pour les victimes parce qu'elles font écho à leur propre vie, leur propre condition : histoires de famille ou d'amour qui tournent mal par exemple.” Mais bien que de nombreux programmes judiciaires ont été érigés en stars de l'audiovisuel, certaines chaînes se sont brûlés les ailes dans la course aux audiences. “Beaucoup d’entre elles se sont engouffrés dans la brèche et souvent, notamment sur la TNT, le résultat est affligeant: racolage, indécence, approximations…” remarque le journaliste à France-Info Vincent Martin. Ce n’est pas tout, la période aussi a son importance. Jean-Michel Laurence soulève que “Tout ce qui est crime de sang - assassinat, meurtre - ne peut laisser indifférent, c'est évident. Et ces crimes ont toujours eu, en France, un engouement certain. Mais il faut que la mayonnaise  prenne et tout dépend de la période, de la médiatisation, des personnalités des auteurs présumés.”

la-petite-femelle-babeliojpg
IMG_2142PNG
IMG_2142PNG copy

En 2015, Philippe Jaenada publie La petite femelle. Un récit qui décortique, 64 ans plus tard, le profil de la coupable.

Le journaliste revient sur l'affaire Pauline Dubuisson, l'histoire de cette jeune femme de 24 ans, qui tue son ex-compagnon Felix Bailly le 27 mars 1951. Le journaliste rappelle que ce dossier “correspondait à une époque précise de début d'émancipation des femmes. La justice considérait alors que l'on pouvait tuer son mari volage de plusieurs coups de feu et être acquittée, ou prendre la perpétuité pour avoir tué par passion ou par accident son ex-fiancé !” À l’époque la France s’insurge des moeurs légères de la jeune femme, bien plus ahurissants que l’acte fatal qu’elle a commis.

 

Après 20 saisons, “Faites entrer l’accusé” a pris fin en 2020. La dernière émission diffusée le lundi 24 février sur France 2 a réuni 616 000 téléspectateurs, sa plus faible audience enregistrée. L’émission restera une référence dans le paysage audiovisuel français mais le faits divers à la télévision n’est plus le support majoritairement prisé. Même son de cloche pour l'émission "Non élucidé. Le premier épisode de la saison 2018-2019 diffusé en prime time sur RMC Story n'a rassemblé que 319 000 téléspectateurs. Pour quelles raisons ? D’abord il ne faut pas omettre de notifier ceci : au milieu des années 2010, le pays fait face au terrorisme. “La France a été frappée lâchement dans un acte de guerre organisé de loin et froidement exécuté” a prononcé François Hollande au lendemain des attaques du Bataclan en 2015. Les attaques de Charlie Hebdo, celles du 14 juillet 2016 à Nice, et les multiples attaques dans la soirée du 13 novembre sont passées par là. Meurtris, les français tournent le dos aux récits tragiques, du moins à la télévision.

 

 

14-novembre-2015-philippe-wojazer-reutersjpg

Un policier escorte une victime de l'attentat du Bataclan, le soir du 13 novembre 2015 à Paris. (REUTERS/Philippe Wojazer)

Le 7 janvier 2015. Les assaillants (Chérif et Said Kouachi) retournent à leur véhicule après avoir attaqué la rédaction de Charlie Hebdo. Images de vidéo amateur diffusées sur REUTERS TV (Crédit: REUTERS TV)


C’est ainsi qu’en novembre 2019 la série documentaire Grégory ("Who Killed Little Grégory ?") débarque sur Netflix. Elle retrace en 5 épisodes l'affaire du petit Grégory Villemin retrouvé mort dans la Vologne en 1984. La mini-série réalisée par Gilles Marchand et la productrice Élodie Polo Ackermann est également disponible à l’étranger, notamment sur la version américaine de Netflix.

 

 

Les enquêtes criminelles dans le cinéma français, de 2000 à 2010.

 

 

2000 :

-Les blessures assassines (Jean-Pierre Denis)

-Fait d’hiver (Robert Enrico)

2001 :

-L’emploi du temps (Laurent Cantet),

-Roberto Succo (Cédric Kahn)

2002 :

-L’adversaire (Nicole Garcia)

2005 :

-Joyeux Noël (Christian Carion)

-Cavalcade (Steve Suissa)

2006 :

-L’ivresse du pouvoir (Claude Chabrol)

-Indigènes (Rachid Bouchareb)

-Ils (Xavier Palud et David Moreau)

2007 :

-L’auberge rouge (Gérard Krawczyk)

-Le dernier gang (Ariel Zeitoun)

-Le scaphandre et le papillon (Julien Schnabel)

2008 :

-Rapt (Lucas Belvaux)

-Mesrine (François Richet)

-Sans arme, ni haine, ni violence (Jean-Paul Rouve)

2009 :

-À l’origine (Xavier Giannoli)

-Le père de mes enfants (Mia-Hansen-Love)

-L’affaire Farewell (Christian Carion)

2010 :

-L’assaut (Julien Leclercq)

-Carlos (Olivier Assayas)

-Possessions (Eric Guirado)

-Le caméléon (Jean-Paul Salomé)

-Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois)

-La rafle (Rose Bosch)

 

Cette série-documentaire, comme plein d'autres, s'est inscrite dans un genre que l'on nomme le “true crime” et qui désigne les enquêtes policières. C'est une thématique largement explorée sur Netflix, et à en croire Vincent Martin, le sujet est maîtrisé : “depuis quelques années, le documentaire de faits-divers, notamment avec Netflix, devient un genre majeur. Je viens de terminer Wild Wild Country, c'est une claque journalistique.” 

Les enquêtes criminelles dans le cinéma français, de 2011 à aujourd'hui.

 

 

2011 :

-Omar m’a tuer (Roschdy Zem)

-De bon matin (Jean-Marc Moutout)

-L’ordre et la morale (Mathieu Kassovitz),

-Présumé coupable (Vincent Garenq)

-Après le sud (Jean-Jacques Jauffret)

-17 filles (Delphine et Muriel Coulin)

2012 :

-À perdre la raison (Joachim Lafosse)

-38 témoins (Lucas Belvaux)

2013 :

-24 jours (Alexandre Arcady)

-11.6 (Philippe Godeau)

-La belle vie (Jean Denizot)

-La marche (Nabil Ben Yadir)

2014 :

-Vie sauvage (Cédric Kahn)

-La prochaine fois je viserai le cœur (Cédric Anger)

-L’homme qu’on aimait trop (André Téchiné)

-Le temps des aveux (Régis Wargnier)

-Terre Battue (Stéphane Demoustier)

2015 :

-L’affaire SK1 (Frédéric Tellier)

-L’enquête (Vincent Garenq)

2016 :

-Tout, tout de suite (Richard Berry)

-L’outsider (Christophe Barratier)

-La fille de Brest (Emmanuelle Bercot)

-Au nom de ma fille (Vincent Garenq)

-Les chevaliers blancs (Joachim Lafosse)

-Les enfants de la chance (Malik Chibane)

-Les innocentes (Anne Fontaine)

2018 :

-Le 15h17 pour Paris (Clint Eastwood)

2019 :

-Une intime conviction (Antoine Rimbault)

-J’accuse (Roman Polanski)

-Chanson douce (Lucie Borleteau)

-L’intervention (Fred Grivois)

-Sympathie pour le diable (Guillaume de Fontenay)

page-déchirée-pngpng
page-déchirée-pngpng copy (1)
page-déchirée-pngpng copy (2)
page-déchirée-pngpng
page-déchirée-pngpng copy (3)

Suivant la tendance, la télévision française se lance également dans des projets de séries à diffuser sur ses chaînes. En témoignent ces différentes séries françaises proposées par TF1 ("La part du soupçon" et "Le bazar de la charité) et M6 ("Un homme ordinaire").

960x614_murielle-bolle-2-decembre-1994-dijon_SIPA

Murielle Bolle, le 2 décembre 1984 à Dijon. Murielle Bolle est la belle-soeur de Bernard Laroche, qu’elle accuse alors d’être celui qui a tué le petit Grégory Villemin. Crédit photo : SIPA.

 

 

 

C’est là que l’on retrouve l’entière implication du public. Si l’audience se sent si concernée c’est parce que ces dossiers judiciaires et criminels traduisent ses propres craintes. Le psychologue Joseph Eskenazy en parle : “Il y a chez chaque personne des peurs. Par exemple la peur de subir sur soi-même ces crimes, d’être violé, tué, maltraité etc. Le fait de s’intéresser à un fait divers, ça nous rassure, car inconsciemment cela nous fait dire : ouf ! je l’ai échappé, ça n’est pas arrivé à moi." C’est une première raison, et elle fait parfois figure de piqûre de rappel auprès du public. Quand Marion Wagon est portée disparue en 1996, ou lorsqu’une Estelle Mouzin se volatilise alors qu’elle est sur le chemin de l’école en 2003, les français ne manquent pas de revoir les consignes de vigilance dictées à leurs enfants ou leurs cadets. Quid du mythe de la camionnette blanche ? La deuxième raison d’ordre psychologique est la suivante : “en nous intéressant à un fait divers nous allons apprendre à banaliser ce fait. Ça arrive souvent, je sais ce que c’est, et j’arrive à mieux maîtriser ma peur maintenant", rapporte Joseph Eskenazy. Il y a aussi évidemment la dimension fascinante de ces affaires aux scénarios impensables.“L'imagination débordante des tueurs qui élaborent des scénarios incroyables pour parvenir à leurs fins, qui tiennent tête à la Justice avec aplomb, titille la curiosité du spectateur ou de l'auditeur qui se demandent : jusqu'où un prédateur peut-il aller dans le mal, dans le mensonge ?” constate Béatrice Fonteneau. 

 

 

 

 

 

Au fil de sa carrière la journaliste spécialiste du service Police-Justice a d’ailleurs eu l’occasion de couvrir plusieurs affaires criminelles mémorables. Elle se souvient de la plus marquante pour elle qui est “sans aucun doute, l'affaire Omar Raddad en juin 1991. À cette époque-là Fonteneau était "une jeune journaliste inexpérimentée" à Cannes pour le journal Nice-Matin.” Elle a eu l’occasion de couvrir les faits sur le terrain, au plus près de la scène de crime.

 

 

 

 

 

 

 

 

“Je me suis retrouvée à gérer seule au départ ce fait-divers hors-norme. Une riche héritière, Ghislaine Marchal, retrouvée assassinée dans la chaufferie de sa villa à Mougins. Sur la scène du crime : des lettres de sang mettant en cause le jardinier : « Omar m'a tuer ». Il a fallu géré cette histoire hallucinante et incroyable, des lettres de sang laissées sur un mur. Tenter de cerner la personnalité de la victime qui vivait dans un quartier de milliardaires où l'on ait la discrétion et le secret. Faire parler les gendarmes qui n'étaient pas loquaces et se tenaient devant la villa comme s'ils gardaient un musée contenant des œuvres inestimables. À tel point que lorsque je suis arrivée sur le site, n'ayant pas encore l'identité de la victime, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une vedette du show-bizz. Début d'enquête très difficile donc mais ô combien passionnante…”  

 

 

 

Son confrère Jean-Michel Laurence a lui aussi expérimenté le fait divers en son coeur. “Passionné par l'affaire Spaggiari — je suis niçois —, j'ai eu la chance de la suivre de près puisque j'ai réussi à aller aux obsèques d'Albert Spaggiari en juin 1989, et partager l'intimité de ses amis les plus proches.” Si la curiosité et l’objectivité sont des éléments fondamentaux de la profession journalistique, chaque journaliste possède une appétence pour un domaine précis : le fait divers n’en est pas exempt. Jean-Michel Laurence n’est pas à court de souvenirs : “J'ai aussi rencontré le dernier bourreau exécuteur en chef des actes criminels, André Obrecht, ai travaillé sur la disparition d'Agnès Leroux, ai couvert l'affaire Omar Raddad, et quelques meurtres en direct où je me suis retrouvé arriver sur les lieux du crime en même temps que la police !”

 

Comme le reste des citoyens français qui sont eux devant les écrans ou tendent l'oreille pour écouter radio et podcasts, les journalistes aussi se passionnent de ce genre qui n’a pas son pareil. Et cette passion, mêlée à la course au "scoop" a démontré quelques failles. Divulgation des sources, comportements trop intrusifs de la part des représentants de la presse sur certaines affaires... L'Histoire s'en souvient.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

“Une enquête difficile mais ô combien passionnante." - Béatrice Fonteneau

omar-raddad-avait-obtenu-une-grace-presidentielle-
le-20-octobre-1984-les-obseques-de-gregory-de-nomb

Le 20 octobre 1984, des journalistes assistent aux obsèques de Grégory Villemin, 5 ans. Ils filment et photographient l’enterrement. Source : Le Républicain Lorrain / Photo : ER - Vincent Hope.

Dans d'autres épisodes mémorables, ce sont les auteurs de crimes qui ont parfois sollicité les médias. C'est le cas de "Human Bomb" en 1993 qui demande à s’entretenir avec un journaliste de TF1. Même cas de figure pour Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, preneurs d’otages de l’hyper cacher en 2015 qui souhaitent prendre la parole en direct sur BFM TV, la chaîne d'information en continu. 

Les enfants de l'école maternelle Commandant-Charcot à Neuilly sont évacués après la prise d’otages. Source : RAID.

Mais existe t-il un type d’affaires spécifique qui suscite vivement l’émotion des français ? “Peut-être les faits-divers qui touchent les enfants, les personnes vulnérables pour leur côté injuste” commente Béatrice Fonteneau. “Les affaires non résolues qui suscitent toujours l'interrogation et font appel à l'interprétation et à l'imagination de chacun.” Ce qui expliquerait que des années, voire des décennies plus tard certains dossiers passionnent toujours autant les français. Le réalisateur français Yves Rénier et la chaîne TF1 préparent en ce moment une série sur le tueur récidiviste Michel Fourniret, alias "le tueur des Ardennes", arrêté il y a 17 ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Intrigant, choquant, ou criard. Qu’il mette à mal une personnalité politique ou qu’il engage des citoyens jusque-là ordinaires, le fait divers demeure viscéralement singulier, à caractère exceptionnel. Selon Jean-Michel Laurence, “le fait divers a ce côté interdit, transgressif, scandaleux bref qui suscite une émotion, une réprobation, qui entraîne une réaction, qui ne laisse pas neutre.” Lorsqu’on demande au psychologue Joseph Eskenazy si la curiosité est le facteur numéro 1 de l'intérêt porté aux faits divers, il répond qu’il ne croit pas à “la simple curiosité.” Selon l’expert, “une curiosité a toujours ses raisons. Pour une minorité de gens il y a un intérêt pervers, car eux-mêmes ressentent qu’ils ont le mal en eux. L’intérêt pervers leur permet de canaliser leurs pulsions et ne pas passer à l’acte.” 

 

Si chacun s’intéresse aux affaires criminelles pour diverses raisons propres, le journaliste à France Info Vincent Martin estime que le fait divers est un genre qui permet “d'ausculter la société.” Il détaille son propos : “Autrefois, dans les campagnes, on parlait de crimes paysans, le plus souvent des jalousies ou des rancœurs ancestrales. Attention, tous les faits-divers ne sont pas intéressants. Un maboule qui poignarde trois personnes au hasard dans la rue ne raconte rien de la société. En revanche, si j'apprends que ce maboule devait être suivi mais que, faute de moyens donnés à la justice et la santé, il était libre de ses faits et gestes, je m'interroge.”


 

13-novembre-2015-christian-hartmann-reutersjpg

 

 

“Le fait divers a ce côté interdit, transgressif, scandaleux qui suscite une émotion, une réprobation, qui entraîne une réaction, qui ne laisse pas neutre” -Jean-Michel Laurence

prise-d-otage-dans-une-ecole-maternelle-de-besanco

Les enfants de l'école maternelle Commandant-Charcot à Neuilly sont escortés par un agent du GIPN. Crédit photo : AFP/JEFF PACHOUD.

Affichette-A4jpg

 

Toute affaire —  disparitions, agressions sexuelles, féminicides, homicides — s’inscrit dans un système et peut en révéler les failles. Trois ans après la disparition d’Estelle Mouzin, la France instaure le plan Alerte Enlèvement. Cette innovation révolutionnaire ? Elle est à l'initiative d’Éric Mouzin, le père de la fillette, et elle est inspirée par le même dispositif déjà mis en place aux États-Unis depuis 1996.

 

 

 

>>> LIRE AUSSI : Disparition d'Estelle Mouzin : Eric Mouzin, un père à la recherche du temps perdu

 

Affiche d'avis de recherche pour retrouver Estelle Mouzin.

IMG_2139PNG
IMG_2139PNG

Crédit photo - Archives AFP

 

Omar Raddad, le jardinier de Ghislaine Marchal, a été accusé d'avoir tué la sexagénaire retrouvée morte dans sa villa le 23 juin 1991.

 

En 1994, il écope d'une condamnation à 18 ans de réclusion criminelle.

 

Il reçoit en 1996 une grâce présidentielle de la part de Jacques Chirac, avec l'appui du roi du Maroc dont Omar Raddad est originaire. Omar Raddad milite encore aujourd'hui pour faire reconnaître son entière innocence. 

 

13 novembre 2015. Une victime de l'attentat du Bataclan reçoit l'aide des secours.  (Christian Hartmann/REUTERS)

 

Huit ans plus tard, le 11 octobre 2019. Le Parisien annonce en exclusivité l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès à l’aéroport de Glasgow après 8 ans de cavale. Et quand l’AFP publie quelques minutes plus tard une dépêche qui confirme les dires du quotidien, l’engrenage médiatique est lancé. Les éditions spéciales sur les chaînes d’informations en continu s’emballent, de même pour les réseaux sociaux qui célèbrent la fin de l’affaire non-élucidée. Mais que serait un passionnant feuilleton sans une énième péripétie ? Le lendemain, à 10H50 l’AFP publie une dépêche cette-fois ci rédigée au conditionnel car selon les autorités écossaises le physique de l’homme arrêté à Glasgow ne correspond pas. Les médias font alors marche-arrière à coups de mea culpa mais les internautes, en particulier sur la Twittosphère, pointent du doigt le manque de professionnalisme des journalistes.

IMG_2142PNG
IMG_2142PNG copy (1)

Les membres de la famille De Ligonnès. Xavier (le père) Agnès (la mère), et les enfants : Arthur, Thomas, Anne et Benoît.

 

Crédit photo - AFP/Police judiciaire

Who-Killed-Little-Gregoryjpg
charlie-hebdo-reuters-tv-jpg
neuilly1jpg
alerte-enlèvementpng

Le logo officiel du dispositif Alerte Enlèvement.

 

Ce dispositif signale un rapt ou une disparition d'enfant  à travers plusieurs canaux de diffusion (médias, service de la RATP et de la SNCF, affichages urbains,...). En France, le dispositif a été déclenché 23 fois et s'est soldé à chaque fois par une réussite. Il est encore à ce jour 100% efficace.

Vincent Martin conclut par cette analyse : “Les grandes affaires judiciaires nous renseignent toujours : l'affaire Dils, ou comment une justice expéditive amène à la plus grande erreur judiciaire du pays. L'affaire du sang contaminé, ou comment un Ministère de la Santé manipulé par les lobbys pharmaceutiques peut entraîner la mort de centaines d'hémophiles... L'affaire Guy Georges, ou comment une police maquée avec des criminels/indics, peut oublier l'intérêt général... Et j'en oublie.”  ■

infographiepng